LA
VIE dition du 11 fvrier 2010 (N3363)
Sociologie
Portrait sans retouche des nouveaux jeneurs
Publi
le 10/02/2010 09h54 Constance de Buor
Les
premires Assises chrtiennes du jene, qui ont eu lieu le week-end du
12 fvrier Saint-tienne, ont t un succs par laffluence. Mais qui
sont les participants ?
Lengouement du public a dpass
toutes les esprances. Du 12 au 14 fvrier, plus de 500 personnes
participeront aux premires Assises chrtiennes du jene, Saint-tienne, dont
La Vie est partenaire, alors que les organisateurs en attendaient 200. Et
des monastres aux associations spcialises, beaucoup de sessions de jene
affichent complet. Inscrit dans la pratique chrtienne, le jene a
longtemps t obligatoire et contraignant. Dsormais, il est facultatif et
libratoire. Il ne sagit plus de se mortifier, mais de pratiquer un exercice
qui procure un bien-tre , note Jean-Claude Noy, journaliste Prier,
coorganisateur des Assises et auteur du Grand Livre du jene (Albin
Michel). Mais qui sont les jeneurs ? Sont-ils plutt anims par des
motifs spirituels ou religieux ? Cette pratique concerne-t-elle tous les
milieux socioprofessionnels ?
loccasion de cette rencontre, le sociologue Jean-Franois Barbier-Bouvet a
ralis la premire enqute sur ces femmes et ces hommes qui dcident de jener
plusieurs jours, dans le cadre dassociations, de centres spirituels ou de
mouvements.
Au total, lՎtude Jener aujourdhui, une pratique personnelle et spirituelle,
dont nous publions une partie des rsultats, a t mene auprs de
550 personnes, issues de structures comme la Fdration jene et
randonne, Jene, respiration et assise silencieuse, du pre Jean-Luc Souveton, ou encore les sessions Jene au quotidien du
Forum 104, Paris.
Un public dՉge mr et plutt fminin
Premier constat : les sessions de jene comptent 71 % de femmes et
29 % dhommes. en croire la pyramide des ges, il y aurait un temps pour
cette pratique. Les jeneurs ont en effet entre 45 et 60 ans. Avant, cest
le calme plat. la diffrence de la pratique religieuse, par exemple, dont
laugmentation avec lՉge est plus progressive (plus on vieillit, plus on
pratique, alors quon se met tous jener au mme ge).
Les intellectuels surreprsents
Les chiffres ont de quoi surprendre : les diplms sont surreprsents
dans cette pratique qui consiste sintresser son corps. 80 % des jeneurs
ont fait des tudes suprieures, contre 30 % de la population
franaise environ. Un tiers affichent mme cinq ans dՎtudes ou plus. Quatre
catgories socioprofessionnelles figurent de faon quilibre : les cadres
suprieurs et professions librales (20 %), les enseignants, les
professions intellectuelles ou artistiques (19 %), les cadres moyens
(14,5 %), et les employs et ouvriers (16,5 %).
premire vue, on a limpression que les sessions couvrent un large
spectre, observe Jean-Franois Barbier-Bouvet. Mais, en ralit, les jeneurs
ne sont pas du tout reprsentatifs de la population franaise : par
exemple, les employs et ouvriers sont deux fois moins nombreux que dans la population
et les enseignants et professions intellectuelles, cinq fois plus.
Une dmarche plus spirituelle que religieuse
Considrant quen Occident le jene est une tradition chrtienne, la proportion
de chrtiens nest pas crasante. Mais la recherche spirituelle et la
qute de sens arrivent parmi les motivations principales des jeneurs.
Un tiers lՎvoquent parmi les raisons
essentielles de leur dmarche, avant lapprofondissement
de leur foi en Dieu (28 %). On observe dans cette pratique
la dissociation croissante entre la spiritualit et la religion – ou
mme la foi –, analyse Jean-Franois Barbier-Bouvet. La qute
exprime est plus souvent ouverte quadresse un Dieu que lon nomme. De
mme, les jeneurs sont plus nombreux voquer une ascse spirituelle sans
destinataire, que la prire. De fait, parmi les propositions formules
dans lՎtude, lide de cheminer dans une tradition vieille de plusieurs
sicles (15 %) ou celle dexprimenter une nouvelle dmarche
en glise (10 %) arrivent plutt en bas de tableau.
Dabord, une volont de purifier son corps
Dans quel esprit jenez-vous ? , a-t-on demand aux
participants aux sessions, en leur proposant de pointer leurs motivations
essentielles parmi 24 affirmations (nous en publions 13
ci-contre), concernant les champs corporel ,
personnel , spirituel et relationnel .
Pour 60 % des jeneurs, il sagit avant tout de purifier,
dsintoxiquer et revitaliser leur organisme . Si la dimension
corporelle est premire, elle vise plutt un bien-tre global que lefficacit
fonctionnelle : seul un jeneur sur dix a pour objectif de perdre du
poids , note le sociologue. La dimension personnelle du jene
( retrouver la paix intrieure , prendre du recul par
rapport au quotidien ) est primordiale dans les motivations des
stagiaires . Enfin, aprs la dimension spirituelle, les jeneurs
citent la dimension relationnelle, jamais au cur de la dmarche, mais
prsente. 21 % des jeneurs estiment ainsi que cette pratique permet de
manifester leur dsaccord vis--vis de la socit de
surconsommation et de vivre une dmarche militante de sobrit
par respect pour la nature et pour les gnrations futures .