UNE EXPÉRIENCE PEU BANALE :

Jeûner en randonnant

Escalader la montagne drômoise,
fêter la Saint Sylvestre
sur les cimes et sous les étoiles,
cela s'oublie pas, surtout si on le fait... en jeûnant ! L'expérience est à la portée de tous.
 
Karin Mundt l'a vécue et vous la fait partager.

La fin de l'année approche, avec ses jours de fêtes. A Terre Vivante, nous avons un peu plus de calme que d habitude. Le moment idéal pour moi de faire une cure, de me désintoxiquer et de me charger d'énergie. Le jeûne s'impose a moi.

Faire un jeûne seule, je connais cela. Jeûner dans une maison de cure, également (1) Voir le n 74 des Quatre Saisons. n 79 - mars avril 1993. Pourquoi ne pas tenter une autre formule comme Jeûne et Randonnée ?

J'aime le jeûne, la marche et, ô combien, la nature. La combinaison me semble parfaite, l'aventure me tente.

Le stand portant ce nom à Marjolaine m avait attiré l'œil et j'avais bavardé avec Gertrud et Gisbert Bölling les organisateurs de ce type de jeûne. La formule connaît le succès, d'ailleurs, en Allemagne et en Suisse, et depuis longtemps. Sur le stand, un poster avec des chevaux magnifiques indique que le couple élève le cheval Haflinger, une race tyrolienne ancienne. Comme j'aime les chevaux, le couple me devient encore plus sympathique. Nous sommes sur la même longueur d'onde, me semble-t-il. La décision est prise, c'est chez eux que j'irai.

Quelques jours avant Noël, le taxi Transdrôme (formule de taxi accueillant plusieurs personnes) m'attend à Die. La région m'est inconnue et plus nous avançons sur les routes sinueuses de ces montagnes rocailleuses pleines de caractère, plus mon enthousiasme monte. Le chauffeur - un ancien garagiste - a mille choses passionnantes à raconter sur ce coin de la planète. La voiture stoppe devant un ensemble de petits bâtiments. Il y a aussi une grande écurie. Je suis arrivé.

 

Marqués par 68

Gertrud et Gisbert Bölling m'accueillent. D'origine allemande tous les deux, et enseignants de formation, ils ont été marqués par 68. Hors de question pour eux de faire une carrière dans l'enseignement et de s'intégrer dans cette société de consommation, Ils aspirent à autre chose. Voulant éduquer leurs enfants eux-mêmes - possibilité qu'ils ont en France mais pas en Allemagne ils atterrissent à Léoux, dans la Drôme, un hameau de quelques fermes.

Gisbert, homme de grand savoir, devient agriculteur, musicien, éleveur de chevaux, écrivain, conteur. Gertrud, fine, avec de beaux yeux bleus, pleine d'énergie, veille au bien-être de sa grande famille - ils ont cinq enfants - et des curistes. C'est elle qui fait le potager pour nourrir son monde. Elle a bâti avec un de ses jeunes fils une des petites maisons. C'est un exploit, même si les aménagements sont un peu bricolés. S'ils se partagent les taches, c'est ensemble qu'ils donnent sa dimension spirituelle à l'expérience qu 'ils font partager au groupe. Gertrud est allée souvent dans d'autres régions de France, en Angleterre, en Suisse, pour connaître les hauts lieux spirituels. Le couple est allé à plusieurs reprises à l'Arche et à Findhorn (en Ecosse). Son maître à lui, Gisbert, a été Meister Eckart mais depuis, il a parcouru un long chemin. Très marqué par les Indiens d'Amérique, il a visité plusieurs pays européens en compagnie d'un Hopi. Le jeûne est pour les Bölling un merveilleux moyen de se désintoxiquer pour acquérir une plus grande ouverture d'esprit. Ils accueillent des personnes en bonne santé physique mais qui ont parfois quelques problèmes psychologiques. Ils essaient de leur venir en aide avec leur sagesse, leur spiritualité et le « massage métamorphique (qui ressemble au Reiki). Il se fait souvent un travail de groupe. La méditation est menée par l'un ou l'autre.

 

Corps léger et esprit clair

D'autres curistes sont annoncés pour les jours suivants. I y aura une jeune femme allemande et des français. Ceux-ci, je les

admire de laisser ainsi la famille et les amis au moment des festivités et de la bonne chère.

Gisbert a décidé de jeûner avec le groupe. Il commence au même moment que moi. Nous allons faire cette route ensemble pendant quinze jours.

Il fait un temps splendide, doux et ensoleillé. je passe mes journées paisiblement. Le premier geste du matin, après avoir bu un petit verre de jus de légumes au lit, est d'allumer le poêle qui chauffe la petite maison. Lavement et bain chaud, petit coup de balai, un ou deux bols de tisanes, et je suis prête pour la montagne. Nous faisons cinq à huit heures de randonnée chaque jour. Personne ne vous demande si vous en êtes au premier ou douzième jour, si vous êtes fatigué ou non. Gisbert et Gertrud connaissent bien leur montagnes et savent jauger l'endurance des jeûneurs. Nous montons jusqu'aux crêtes, puis descendons de l'autre côté, puis grimpons à nouveau... Un repos par-ci, par-là. Le soleil nous réchauffe. Quoi de plus impressionnant que d'être sur les cimes, le corps léger et l'esprit clair, et de contempler ces magnifiques montagnes Les Alpes sont bien visibles, et je reconnais le Dévoluy, « notre » montagne située près de Mens (2). Le calme sur les cimes est impressionnant et favorise la méditation.

 

 Le breuvage des jeûneurs

La nature qui semble si rude et les montagnes si dénudées me réservent bien des surprises. Le thym, la lavande, les ellébores en fleurs, le genêt à balai, les petits bois de hêtres ou de chênes aux troncs noueux et aux racines enchevêtrées m'enchantent. L'herbe haute et jaune ondule en vagues sous la brise.

Deux petits gentianes bleu ciel en fleur Nous n'en revenons pas. Les « champs a de buis me ravissent, surtout sur le plateau de l'Angèle (1 600 m d'altitude), ma montagne préférée. La vue y est exceptionnelle. Quand le vent forcit nous décidons d'aller vers la chaleur, en « Provence ». Après quelques kilomètres seulement, nous sommes dans ce pays où le romarin est en fleurs. Nous admirons les champs de lavande, les oliveraies, les vignes, et les vergers d'abricotiers

Le 31 décembre, nous avons tous envie de quelque chose d'insolite. Vers 22 h, bien emmitouflés, nous reprenons nos sacs a dos pour la dernière randonnée de cette année 92 qui se termine. Au clair de la lune, sous un ciel parsemé d'étoiles, nous montons jusqu'à une bergerie qui surplombe la vallée. En bas, les lumières du village de Villeperdrix. J'espère entendre les cloches sonnant minuit dans la vallée. Gertrud et Gisbert ont amené leurs instruments. Illuminés par le feu, ils jouent le saxophone et l'harmonica. L'air est glacial. Les boissons chaudes font du bien, en particulier le breuvage des jeûneurs confectionné par Gertrud avec des glands torréfiés, des figues, des cynorrhodons, de la cannelle, des pommes et plein d'autres choses. Une Saint-Sylvestre mémorable Et le jeûne, me dîtes-vous, comment se passe-t-il ? l'ai à peine remarqué que je jeûnais L'effort demandé par les randonnées, la découverte de la nature m'ont totalement absorbée. Par moment, je traînais bien un peu en montant les sentiers escarpés, mais les cynorrhodons et les prunelles que nous sucions avec un plaisir évident étaient là pour me redonner des forces. Tant de vitamines C...

Je suis rentrée au bout de quinze jours en bonne forme, bronzée, la peau lisse et avec quelques kilos en moins. Pour d'autres curistes, le séjour avait transformé leur vie. Ils prenaient un nouveau départ.

Si cette aventure vous tente, sachez que vous allez être entouré par un couple hors du commun. En revanche, ne vous attendez pas à trouver un beau jardin chez Gertrud et Gisbert. Eux, ils cultivent leur jardin intérieur et celui des autres, mais le jardin extérieur n'est tout simplement pas leur problème. On peut le regretter puisque la beauté est importante aussi.

Ne vous attendez pas non plus à retrouver votre petit confort. Sachez que vous dormirez à plusieurs dans une pièce. Amenez votre sac de couchage et votre sac à dos, votre thermos, une lampe de poche, vos serviettes, vos bocks à lavement.

Je vous conseille de « jeûner et randonner » plutôt à la belle saison. Dormir sur le plateau d'Angèle et y admirer le lever et le coucher du soleil doit être magnifique.

J'en rêve.

Karin MUNDT

Adresse :

Jeûne et Randonnée Léoux, 26510 Villeperdrix Tél.: 04 75 27 41 58

Extrait de : Les Quatre Saisons du Jardinage n° 79 mars-avril 1993

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